Sous exposition / Sur exposition : Une juste nuance à trouver

Un psychiatre que j’ai rencontré lors de mes thérapies personnelles m’a délivré cette sentence « un marathonien pour courir, commence à se dire, je vais jusqu’au bout de la rue, arrivé à celle-ci il dit je vais jusqu’à telle maison etc ». Même si ça semble d’une platitude qui devrait inciter l’auteur à l’humilité, je pense que c’est la phrase la plus pertinente que j’ai entendue en psychiatrie (c’est dire la médiocrité de celle-ci). Aussi je vais commencer ce premier article par expliquer comment éviter deux écueils, la sous-exposition, la surexposition.

Globalement, afin d’évacuer la question de définition, l’exposition consiste à mettre le patient dans une situation anxiogène, qu’elle soit anxiogène à cause d’une phobie quelconque, d’une sensibilité particulière, d’interactions sociales. L’idée repose sur le principe suivant, comme pour une allergie, une exposition graduelle, contrôlée et répétée, peut amener le patient à se désensibiliser

  1. La sous-exposition :

La sous exposition est finalement la pente naturelle que veut suivre la personne en souffrance, face à une situation anxiogène, le mieux est de l’éviter. Je vais expliciter les résistances liées à cette façon d’agir. D’abord le cercle vicieux suivant souligne les risques liés à une telle pratique :

diagramme-1
Afin d’expliciter le risque de sous-exposition, je vais prendre deux exemples vécus :

  • Face à mon incapacité à réguler les situations sociales, je me suis replié, je vivais pendant 4-5 ans dans un appartement de vacances, ainsi seul dans l’immeuble, je pouvais régler totalement mes interactions sociales et les limiter au strict nécessaire. Le résultat fut que 4 ans plus tard, je balbutiais pour demander une baguette de pain, ou un plat du jour dans un restaurant.
  • Aujourd’hui encore il m’arrive de porter des lunettes de soleil, comme d’autres portent des casques anti-bruits, si je commence à en porter, j’ai envie de les garder dans toute situation, la moindre lumière devient agressive et je voudrais alors les porter même à l’intérieur

L’autre écueil, la surexposition s’avère être le pendant du premier, car il génère les mêmes pratiques

  1. La surexposition

La surexposition est une pratique relativement courante chez les personnes autistes. Face à une situation inacceptable, le handicap, elles vont chercher à lutter férocement contre ce dernier quitte à générer de l’anxiété voire un burnout ou un meltdown (une « crise »).

Ce schéma souligne de façon simple ce qu’engendre la surexposition, une surexposition consisterait à se rendre à un hypermarché un samedi quand il est possible d’agir tout autrement

diagramme-2

Je vais prendre deux exemples symptomatiques de la surexposition :

-Une amie facebook qui va lire ce blog en premier, me narrait une façon d’agir. Elle se donnait des défis réguliers, cela pouvait consister à participer à une interview télévisée ou bien tenir un discours de témoin à un mariage.  Clairement le risque est le suivant, le défi est difficile à réaliser, anxiogène et finalement ne débouche sur aucune finalité concrète. Même lorsque le défi est réussi, rien ne change pour le quotidien de la personne. Aussi cette pratique est inepte et dangereuse pour la confiance en soi.

– Une autre personne dans un groupe de thérapie narrait que les premiers jours, elle donnait le change, rigolait à la machine à café, amenait des croissants. Puis très rapidement, la fatigue faisait qu’après une semaine, elle délaissait ses collègues, s’isolait et devant l’incompréhension de ses collègues finissait par démissionner. Là le problème est double, d’abord l’exposition est trop forte, ce qui génère fatigue, ensuite les collègues ne peuvent comprendre ce revirement soudain et forcément vont être juges de cette situation.

Ainsi, nous arrivons à la partie que vous attendez tous, enfin à la partie finale, l’exposition contrôlée :

  1. L’exposition contrôlée :

Une parabole que j’utilisais souvent pour parler du harcèlement moral insidieux était la suivante, une grenouille était chauffée dans un bain bouillant, vivante elle supportait la chaleur basse, puis à peu la chaleur montait, et elle finissait par mourir. Ce bel exemple plein d’optimisme, démontre quand même une chose, toute personne peut supporter des situations inconfortables pour peu qu’elles soient progressives. Le but ici n’est pas de provoquer des situations artificiellement inconfortables, malgré tout.

Il est possible aussi pour les personnes les plus en souffrance, de simplement commencer par imaginer une situation anxiogène et de la déconstruire. Un exemple de pensée inconditionnelle que j’ai pu avoir :

« j’ai peur de perdre mes cheveux » : se poser la question mais que se passerait il si tel était le cas ? → je deviendrais chauve-> alors je serais moins charmant, ma femme me quitterait et je me retrouverais seul.
Dans l’absolu, le schéma est ridicule, mais il tient aussi avec « j’ai peur que les gens me jugent », « j’ai peur d’avoir mal fermé ma porte ». L’important ici est de chasser la pensée envahissante inconditionnelle et déconstruire les ressorts de cette pensée déviante. Par exemple, il serait possible déjà d’aller voir un dermatologue et se rendre compte que finalement cette idée de perte est ridicule, ou plus simplement si la peur est fondée, que bien des personnes chauves sont mariées, appréciées et pas moins charmantes que les tiers chevelus. Dans un prochain article, j’étudierais les moyens de déconstruire les pensées inconditionnelles, voici l’article en question (mise à jour): Lutter contre les pensées envahissantes

Je ne peux vous dire à ceux qui me lisent quel est le niveau d’exposition graduée qu’ils doivent mettre en place, mais une chose est évidente, il faut agir pas à pas. Ainsi celui qui ne sort plus de chez lui, peut juste pendant 5-10 minutes se forcer à sortir ou aller acheter une baguette. Il est important que cet effort soit répété dans le temps et s’il le faut il faut grimper à 11 minutes, puis à 12 etc…

Je ne peux être exhaustif car cela risquerait d’alourdir les textes, mais l’important est là se fixer des objectifs petits mais accessibles, et peu à peu les élever en contrôlant son angoisse. Si l’angoisse est trop forte, ne pas hésiter à continuer les efforts, mais à réduire le temps d’exposition tout en déconstruisant les raisons de l’anxiété. Depuis que j’applique cette action, je ne touche plus mes dents pour savoir si elles tombent,  je ne compte plus mes cheveux ni les observe au microscope, enfin je vis mieux mes angoisses la plupart du temps. Voilà le triptyque (il faut obligatoirement que je place ce mot dans tout texte), la sous exposition, la surexposition et la voie du milieu « l’exposition contrôlée ».
N’hésitez pas à commenter, à corriger, à s’opposer, je suis ouvert à la critique que je n’hésiterais pas à déconstruire….

PS : Encore une fois ce message ne s’adresse pas qu’aux personnes autistes mais aussi à tous ceux qui ont des phobies, des TOC ou autre.

Le facebook du blog est à l’adresse suivante:
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14 Comments

  1. Très bon article.
    J’adore ta façon d’écrire, tu devrais toi aussi penser à écrire un bouquin sur l’asperger.
    Tu as raison, il faut s’obliger à sortir ne serait ce que 10 minutes. Quand je suis en congés, je ne le fais pas et ne ressors que pour les courses hebdomadaires. Au résultat, je suis en panique dès que je dois le faire.

  2. Il me faut synthétiser tous les détails que tu as fournis par la suite je pourrais échanger mon avis avec des arguments plausible.
    J’ai utilisé cette méthode sous d’autres termes
    C’est le béaba d un travail qu on utilise obligatoirement avec toutes personnes touché par le syndrome autistique mais expliqué autrement par toi.

    Il faut avancer progressivement mais sûrement avec un projet bien construit qui ne peut se déconstruire en plein élan .
    Une amie asperger a utilisé un autre ligne de conduite du crédit , du débit , du découvert bancaire.
    Ou l’idée du nombres de cuillères qu utilise une blogueuse asperger aussi .
    Cela revient au même, le but est d’avancer petit à petit pour arriver à un final concluant et positif.
    J’ai relu par deux fois ton texte car je n’ai pas accroché de suite.

    • Je ne sais pas si la théorie des cuillères est dans le même principe, car finalement l’idée n’est jamais d’augmenter le nombre de cuillères. Mais plutôt de choisir les sollicitations coûteuses, alors que là c’est accepter que j’ai 2-3 cuillères, tenter de les utiliser pour les situations anxiogènes, et augmenter peu à peu le nombre de cuillèress.
      Je ne pense pas que ça ait un rapport réel avec ce que présente Superpepette, je n’ai pas dû être assez clair

      • Peut-être que le rythme d’écriture m’empeche de voir l’ensemble de ton message. Mais oui ça reprend les cuillères tout en passant à coté du « rechargement », et ça ne s’attarde pas -assez à mon gout- sur les possibilités d’intervenir sur ses sens.

      • Je ne sais si je peux répondre au second commentaire, non la théorie du cuillère, c’est vraiment choisir en fonction d’un nombre donné des sollicitations.

        En pareil cas la sous exposition induirait des cuillères restantes mais pas une réduction du nombre de cuillères. J’avoue que je suis pas fan de cette image, il faudrait demander à l’auteur ce qu’il a souhaité dire. En tout cas tel que je l’ai comprise, c’est une fatalité, tu as 12 cuillères à toi de choisir comment il faut en user.

        La sous exposition/surexposition part du principe que tu as peut-être 12 cuillères, mais te sous exposer t’en fera à terme en avoir 11 etc ou chaque action augmentera le nombre de cuillères et sera plus couteuse. Une juste exposition ne rechargera pas le nombre de cuillères mais augmentera le nombre global ou diminuera le coût de chaque action.

        Après sans doute peut-on l’appliquer, faudrait faire de l’herméneutique des prophètes de l’Asperger, mais en tout cas je ne l’ai pas vu ainsi.

  3. J’ai beaucoup apprécié cet article , pour ma part me retrouve bcp en situation de sur-exposition , du coup je fais effectivement des burn-out à répétition 🙁

  4. Eccellent article, tu as parfaitement raison, à force de rester entre ses 4 murs et ne parler à personnes on finit par balbutier lorsqu’on est en compagnie.
    Je ne suis pas autiste mais cet écrit te fais réfléchir et t’analyser. Merci

  5. Merci pour cet article. Comment trouver le juste milieu? C’est difficile…Je ne suis pas diagnostiquée autiste mais m’y retrouve énormément. Je me suis isolée (volontairement) depuis plusieurs années car trop difficile pour moi : je vis chez moi avec mon mari et mes enfants. Je fais mes courses un maximum sur internet (merci le drive). Je n’ai pas d’ami(e)s. Les seules personnes que je vois sont ma famille (très très rarement : 4-5 fois dans l’année alors que nous vivons maxi à 45 mns les uns des autres) et les pros qui suivent mes enfants. Je ne suis pas à l’aise socialement quand il y a plus de 2-3 personnes (moi y compris). Il n’y a pas longtemps, j’ai été à une formation (il m’a fallu un effort monstrueux pour me motiver à y aller mais y suis allé). Sur place, ça a été jusqu’à ce qu’une maman commence à vouloir discuter avec moi au moment du repas : le monde autour, le bruit, la peur du jugement, je me suis sentie intérieurement en panique mais ai quand même essayé d’avoir une discussion tout en essayant de me maîtriser (je tremblais). J’ai été mal toute l’après-midi (mal au ventre, fatigue, envie de pleurer), j’avais qu’une chose en tête : rentrer chez moi! Il m’a fallu 2 jours pour m’en remettre (j’étais épuisée et me sentais nulle). C’est trop difficile donc du coup, je m’isole (j’ai prévu un repas à manger dehors à la prochaine formation pour éviter une autre situation de ce genre). Le coup des lunettes de soleil me parle aussi. Dans ma jeunesse, je portais des lunettes occasionnellement. Puis, je les ai portée de plus en plus (je mettais ça sur le compte qu’en vieillissant, ma sensibilité à la lumière s’accentuait) et je les porte, maintenant, quasi en permanence en extérieure pour plusieurs raisons : mon hypersensibilité à la lumière, qui j’ai l’impression augmente, d’une part et d’autre part parce que j’ai l’impression d’être protégée de l’extérieur quand je les porte (difficile à expliquer).

  6. Je pense que cela peut être une bonne solution, par exemple passer une récré toutes les deux semaines avec un groupe qui m’accepte puis augmenter petit à petit pour pouvoir passer la moitié des récrés avec le groupe et ainsi mieux appréhender les relations puisqu’on a les codes au fur et à mesure, je pense que faire un compte rendu de la situation après peut aussi aider pour mieux réussir la fois d’après avec moins d’angoisses.
    Merci pour votre travail

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