L’empathie et l’autisme, comment manifester l’empathie? (II)

Au terme de la première partie scientifique L’empathie et l’autisme, aux sources scientifiques du conflit (I), mon avis est le suivant : les personnes autistes ne manquent pas d’empathie et même si tel était le cas chez des personnes du spectre, leur principal défaut est de ne pas mimer convenablement une conversation empathique. Hélas, dans une société où le savoir-être est une valeur éminemment supérieure au savoir et au savoir-faire, cela peut se traduire par une exclusion. Au même titre qu’un bon produit avec une mauvaise publicité ne se vend pas, la personne qui ne sait pas manifester de l’empathie pourra être mal perçue ou même considérée comme un sociopathe.

Très souvent, et ce sera l’un de mes rares témoignages, ma femme déclare que j’ai l’empathie d’un lave-vaisselle ». Je crois que ce qui peut la conduire à penser cela, est ma faible manifestation de la compassion sociale attendue. Une certaine méconnaissance des règles sociales peut être perçue comme une antipathie. Ceci en dépit d’une compassion est réelle mais maladroitement exprimée. De même, au moment des attentats ou des inondations dans ma localité, ma première pensée et mon espérance furent que cela n’allait pas altérer mes rendez-vous au centre expert. Mais cette angoisse passée, j’ai commencé à m’interroger rationnellement sur les conséquences de ces phénomènes. Il est peut-être notable que certaines personnes dans le spectre ont un délai de latence et une empathie à retardement.

Aussi vais-je décrire comment avoir une conversation normée et attendue, ce qui constitue avant tout un apprentissage social..

I) Pourquoi manifester de l’empathie :

Le manque de compassion pour la souffrance n’est pas la problématique majeure, mais parfois la mauvaise compréhension situationnelle ou l’expression sociale inattendue peuvent générer des malaises, quiproquos, malentendus. C’est pourquoi, il est important que vous compreniez les raisons de la manifestation empathique et ce qui peut l’entraver

empathie II1

II) Les blocages dans la manifestation empathique :

  1. Ne pas comprendre la demande empathique : Nous pouvons oublier de contextualiser faute d’avoir inféré le bon état mental. La prosodie (l’intonation) ou des faits visuels comme les larmes permettent de percevoir une souffrance.
  2. L’hyper-rationalisation : Beaucoup de personnes attendent une écoute et en tout cas très rarement une approche rationnelle de leur souffrance
  3. Donner une solution trop précocement et ça je dirais que c’est un travers assez courant dans l’autisme ou forcer une solution « si tu ne fais pas ce que je te dis, tu ne risques pas de t’en sortir »
  4. Minimisation des émotions de l’autre « je m’en fiche » (réaction apathique)
  5. Envahissement personnel des émotions de l’autre au point de ne pouvoir l’aider (contagion émotionnelle/sympathie)
  6. Malaise devant les sentiments et états d’âme de l’autre
  7. Sentiment d’impuissance face aux difficultés de l’autre
  8. Blâmer ou juger « En fait c’est quand même un peu de ta faute, tu aurais dû agir autrement préalablement »

Quelques écueils illustrés pour bien comprendre des erreurs dans la manifestation empathique, les exemples quoique adaptés sont bien réels mais ne sont pas propres à l’autisme, ils se retrouvent plus dans le spectre :

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Dans cet exemple, la tentative d’empathie est réelle. Mais le manque de compréhension des usages des condoléances compromet le discours. Par ailleurs, la personne a beaucoup de mal à inférer que l’autre va mal. Il plaque une chose entendue en pareilles circonstances.

Un autre exemple de problématique de forte rationalisation qui peut choquer celui qui attend juste une écoute :
autisme.jpg 

Sur le même thème issue de Wikipedia :


Un dernier exemple qui souligne cette tendance à ne pas savoir que répondre devant un fait, ici un chien est mort, c’est bien triste mais c’est un fait, que dire ? (transition parfaite nous allons le voir après):

empathie3.png

III) La conversation empathique selon les règles sociales

 

Ce schéma explicite comment mener une conversation empathique :
conversation empathique.jpg

Au regard de ce schéma, vous comprenez pourquoi pour nous,  ce type de discussion devient une règle étrangère à réapprendre, à devoir connaître. Il nous faudra penser aussi bien à nos attitudes (contact oculaire), mais aussi à la reformulation et bien entendu à comprendre le fond. La moindre précipitation dans la réponse peut conduire aux écueils dessinés plus haut.

L’écoute active, comme le suggère le schéma, est ponctuée de relances, mais elle se fonde aussi sur un langage corporel :

  • L’empathie nécessite une proximité avec la personne, il y a une notion d’aparté, positionnez vous près de la personne (30 cm), de face
  • Regardez dans les yeux la personne, là encore beaucoup de personnes autistes dont moi-même auront du mal à exécuter cela. A défaut, tentez de maintenir un semblant de contact, regard furtif toutes les minutes.
  • N’hésitez pas à multiplier les marques de détresses (« pas facile », hochement de tête), malgré le caractère artificiel de la pratique, les personnes sont encouragées à exprimer ainsi leur détresse
  • selon vos capacités, il est possible d’offrir une marque d’affection physique (embrassade, poser une main)

Tâches possibles pour travailler l’empathie :

Exercice 1 : Travailler les postures, s’entraîner à prononcer les phrases devant un miroir permettent de préparer la conversation empathique

Exercice 2 : Prenez du temps à analyser des personnes dans votre lieu de travail dans des films où l’émotion est souvent surjouée, ensuite indiquez sur une feuille ce que vous imaginez de ses croyances de ses émotions et comparez avec la suite du film

Exercice 3 : Ici il faut deux personnes ou trois personnes

  • Une personne narre un témoignage personnel avec une certaine émotion
  • l’observateur pratique une écoute active, question, il note alors sur un papier ce qu’il croit comprendre de l’émotion et des croyances du narrateur
  • Si une 3eme personne, la dernière résume l’histoire avec les sentiments

Dans tous les cas, si vous suivez textuellement ce « théâtre de l’empathie », il est impossible de se tromper, puisque vos phrases ne s’inscrivent que dans de la reformulation et encouragement à continuer. Aussi, l’empathie doit être employée dans des lieux où l’attente sociale est importante, par exemple dans le milieu professionnel. D’ailleurs si les personnes Asperger ont quelques peine à converser de manière empathique, elles ne sont que très rarement en demande d’une écoute active.


En conclusion, sans l’affirmer scientifiquement, le reproche adressé aux personnes autistes sur un manque d’empathie me semble infondé. Elles ont une compassion tout à fait dans la norme voire supérieure et peuvent parfois pâtir d’une mauvaise expression empathique.
Je tiens donc à souligner ces deux points :

  • Les personnes autistes sauront proposer et s’engager dans une solution. Par exemple, si ma femme souffre de ma faible manifestation empathique, elle a pu constater à quel point, je fus présent lors de ses problèmes de santé. De même, j’ai pris le temps de compulser la documentation sur ce qu’elle vivait, pour être le plus utile dans cette nouvelle situation. Je dis cela sans orgueil déplacé…
  • Au regard de ce que je lis comme réaction vis à vis de la discrimination des personnes handicapées, comme commentaire navrant sur les actualités, je me demande si la manifestation empathique n’est pas qu’une vaste hypocrisie sociale à géométrie variable. Il est de bon ton de se scandaliser pour une lionne chassée lors d’un safari, tout en continuant de manger du jambon d’un porc émasculé à vif et gavé d’antibiotiques. Les indignations suivent des inclinations du moment et sont souvent très consensuelles, rarement elles reflètent un véritablement positionnement des personnes pour une cause.

Rares seront les fois où je renforcerai « la légende dorée » de l’autisme mais parfois j’aimerais que bien des personnes soient autant actives pour les autres que les personnes du spectre. Il est vrai qu’agir avec vigueur pour les autres nécessite un engagement plus marqué et une énergie plus forte qu’une conversation empathique pour quelqu’un en dehors du spectre.

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4 Comments

    • Merci pour vos encouragements Béa, j’avais peur d’avoir fait trop simpliste mais je voulais aussi que ça puisse servir à tous les Asperger. Le but étant de favoriser le bien-être de personnes trop souvent oubliées.

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