Autisme et vieillissement

Beaucoup de personne avec des diagnostics tardifs vieillissent, et aujourd’hui quelques personnes autistes franchissent les 60 ans. Dans les plus célèbres, on peut penser à Temple Grandin ou à Donald Tripplet. Toutefois, écrire un sujet sur le vieillissement dans l’autisme est un peu comme partir vers une « terra incognita » avec peu d’études et des témoignages divergents.

J’ai choisi de développer ce sujet, tant pour les parents, pour les personnes autistes plus âgées, que pour alerter sur cette problématique qui dans les années à venir prendra son importance. Si le taux de prévalence (1/100) était appliqué à la France, cela supposerait 250000 personnes autistes âgées de 60 ans ou plus. Hélas, une prise en charge défaillante et une surmortalité ne peuvent qu’amener à supposer une population plus réduite.

Triptyque oblige, trois parties organiseront ce sujet, une première pour faire l’état des lieux du vieillissement au niveau des spécificités autistiques, une seconde sur comment vivent les personnes autistes qui vieillissent, et enfin j’apporterai quelques aides pour mieux vieillir quand on est une personne autiste.

I)Le vieillissement dans l’autisme au niveau des spécificités :

Dans un premier temps, je présenterai les études à notre disposition,. Toutes les données de comparaison sont ici présentées entre personnes autistes jeunes et personnes autistes plus âgées ( plus de 50 ans pour les études). Les personnes autistes âgées ont beaucoup plus de comportements répétitifs ou de sensorialités atypiques que la population typique. Toutefois le but de cette partie est de la comparer  à une population autiste plus jeune. Avant tout, je souhaite mettre en garde, les études sont peu nombreuses et les limitations méthodologiques sont grandes (voir fin du chapitre)

           a) Les comportements restreints

Dans cette étude,  https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28303420 tout autant que celle-ci : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18566881, de nombreuses réductions sont soulignées en termes:

  • D’auto-agressions (sur ce point les deux études diffèrent)
  • De stéréotypies
  • De besoins de rituels
  • D’envahissement dans les intérêts spécifiques

Ainsi l’échelle RBS-R qui évalue les stéréotypies, les auto-agressions, les compulsions, les rituels et l’envahissement pour les intérêts spécifiques montre une réduction globale plus l’âge avance (exception faite de la période 5 à 9 ans)

comportement répétitifs

Ces résultats ne dépendent pas du genre et concernent toutes les personnes autistes même si les femmes demeurent peu nombreuses dans les études.  La seule variable importante est la comorbidité de type déficience intellectuelle qui réduit de façon moindre les comportements restreints.

          b) Les sensorialités

D’un point de vue des sensorialités, l’étude Kern et Al 2016 : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16940314 reporte globalement la même tendance, une normalisation des sensorialités, hormis l’hyposensibilité tactile. Pour cette étude un test de Dunn a été effectué par les personnes de différents groupes d’âge. Si globalement les sensorialités globalement se normalisent, elles demeurent tout de même différentes du groupe contrôle dans l’hypersensibilité auditive, hyposensibilité visuelle et dans l’hypo/hyper sensorialités tactiles. Cette normalisation des atypies sensorielles pourrait être liée à une baisse globale des ressentis liée à l’âge.

          c) Les troubles de la communication sociale :

Hélas, je n’ai trouvé aucune donnée à ce sujet, les rares enquêtes semblent souligner un maintien des troubles de la communication sociale, voire une augmentation due à l’isolement social. Cette étude : https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs10803-018-3596-8 souligne que : 42% des personnes autistes adultes de plus de 50 ans sont incluses dans une vie sociale (famille, proches, amis et loisirs) contre 78% des personnes non autistes. Toutefois, il est difficile de comparer ces statistiques avec des personnes plus jeunes.

 

          d) Quelques limitations :

  • Il est évident que ce n’est pas un suivi en cohorte, aussi le risque est la comparaison d’un public hétérogène. En effet, mieux vaut comparer l’évolution d’une personne autiste, que comparer deux groupes de personnes différentes. Pour pallier ce problème, les groupes semblent assez homogènes et représentatifs du TSA
  • La surmortalité dans l’autisme pourrait fausser les statistiquesMieux prendre en compte les soins somatiques dans l’autisme). Mais le graphique tous les 5 ans et les échantillons homogènes permettent de limiter cet effet.
  • Il est difficile d’effectuer des comparaisons quand les études ne comparent pas les personnes autistes en fonction de l’âge. Ainsi si une étude affiche 70% de comorbidités psychiatriques chez les jeunes TSA et une autre 50% chez les plus âgés, Il est impossible de conclure que les comorbidités psychiatriques ont diminué.
  • Enfin le vieillissement dans l’autisme, comme dans la neurotypie, dépend de nombreux critères qui offriront des résultats différents selon les échantillons choisis :
    facteurs sociaux

II) Comment vieillissent les personnes autistes?

 

Donc les études globalement dénotent une réduction des spécificités autistiques, pouvons-nous en déduire que les personnes autistes le vivent mieux ? Il apparait tant en compulsant les témoignages notamment d’Asperger que cela n’est guère le cas, voici d’ailleurs une étude intéressante de 1998 sur des personnes Asperger :

 

Difficultés rencontrées Population

générale

Population diagnostiquée Asperger

(N=14)

Dans la catégorie Mobilité 10 % 36 %
Dans l’Autonomie 4 % 21 %
Dans la vie quotidienne 10 % 43 %
Dans les Loisirs 10 % 57 %
Gestion de la Douleur 26 % 58 %
Anxiété et dépression 19 % 79 %

 

Plusieurs études soulignent la présence de comorbidités psychiatriques importantes chez les personnes adultes autistes et notamment chez les plus âgés. Ainsi cette étude https://bmcpsychiatry.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-244X-9-35 chez l’adulte montre des comorbidités psychiatriques en forte proportion (53% de troubles de l’humeur, 50 % d’anxiété).

Il est intéressant de s’interroger sur les raisons qui peuvent expliquer la différence entre les études proposées, et la perception des personnes autistes :

difficultés

 

 

III) Bien vieillir pour une personne autiste

Globalement que nous apprennent ces études ? Que certaines difficultés que pouvaient rencontrer des personnes autistes peuvent s’amenuiser. Mais qu’il demeure difficile de bien vieillir, aussi fort de ces documents que j’ai compulsés, je me permets quelques conseils :

  1. Favoriser un bon suivi médical (Mieux prendre en compte les soins somatiques dans l’autisme), aussi bien pour les personnes qui sont peu autonomes que celles qui le sont plus. C’est tout une autonomie médicale, tant dans le bon déroulement en cas de douleurs somatiques, que de suivi qu’il faut engager.
  2. Manger sainement : Il est important de développer des bonnes habitudes alimentaires. Une nourriture saine réduira les troubles gastro-intestinaux si présents chez les personnes autistes âgées (75% selon une étude). Ainsi, depuis mon changement de régime, j’ai gagné en termes de digestion, de constipation mais aussi de bien-être le soir.
  3. Pratiquer du sport afin de limiter les risques cardio-vasculaires et tous les risques inhérents à la sédentarité. Très bientôt un article sur le sport adapté sera proposé sur AspieConseil
  4. Limiter les risques d’exclusion sociale, car le repli social défavorise à la fois la bonne santé mentale mais aussi le risque de suivi au niveau de la santé. J’encourage à une sociabilité choisie et non subie mais il est essentiel de rompre avec l’isolement. Vos intérêts spécifiques peuvent être vecteur de sociabilité (lien)
  5. Cultivez une certaine dose d’optimisme, cela m’est par exemple très difficile. Mais pour autant, je tente de trouver un évènement positif par jour via un petit groupe. Cela me permet d’inhiber et de déconstruire une partie des angoisses.
  6. Trouver un bon accompagnement psychologique, hélas dû à une absence totale d’aide pour les personnes autistes adultes, il est encore difficile de mettre cela en place. Mais avec un stress ressenti trois fois supérieur pour la population autiste, il est important de trouver des méthodes de réduction de stress autre que médicamenteuses.
  7. Utiliser des méthodes simples de relaxation comme Jacobson, celles-ci doivent être utilisées quotidiennement.
  8. Prenez des temps réguliers de repos, apprenez à ne pas culpabiliser de cela. La fatigue ressentie est normale surtout que beaucoup ont des comorbidités, n’hésitez pas à favoriser des moments de repos de type sieste.
  9. Essayer de favoriser un bon sommeil, pour cela limiter les excitants : (cafés, sucre rapide), une spirale bien connue des personnes qui ont des troubles du sommeil :

excitants (1)

Cet article développe beaucoup de mesures prophylactiques: “Mens sana in corpore sano” : un esprit sain dans un corps sain.

  1. Tester les apports (vitamines, levure de bière, spiruline, probiotiques) : Ils sont à ajouter au besoin et à tester selon des carences éventuelles et un sentiment de bien-être.
  2. Apprendre à mieux gérer sa fatigue au quotidien en limitant les rendez-vous sur une même journée, en apprenant à connaître les situations épuisantes et anxiogènes.

 

En conclusion :

Difficile de développer un sujet qui dépend de tant de critères et dont les études sont encore trop réduites. Malgré tout, je pense qu’il est important de voir aussi qu’il est possible de bien vieillir même en étant autiste. Idéalement, la société devrait de l’enfance jusqu’à sa vieillesse, permettre un accompagnement pour toutes les personnes autistes.

Un dernier point que je voudrais souligner grâce à cette étude : Chez les personnes âgées avec dépression, 31% auraient des caractéristiques autistiques élevées, preuve qu’il faut identifier les personnes autistes même de plus de 60 ans mais aussi les accompagner dans leurs vieux jours.
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Les images:

 

4 Comments

  1. Je suis probablement autiste (suite à l’avis de ma médecin, elle-même autiste), j’ai 76 ans, et je trouve qu’en vieillissant je suis de plus en plus solitaire, fatiguée à la moindre émotion ou après un repas réunissant plusieurs personnes et m’obligeant à paraitre « normale » ; dans ces cas-là, je rentre épuisée. Je viens de découvrir votre site et je vous en remercie

  2. Bonjour,
    Je vais avoir 50 ans.
    Diagnostiquée HPI il y a 18 ans et léger TSA supposée en médecine générale. Je n’ai aucune prise en charge psychiatrique, suis active, autonome et intégrée socialement.
    Sauf que depuis quelques années, la personne que j’ai mise des dizaines d’années à construire s’épuise considérablement. Tout ce que j’ai construit pour être et paraître se fendille, fissure et peu à peu une grande souffrance m’envahit.
    Je me désintéresse de tout, ne m’implique plus dans mon travail, vais d’ailleurs d’échecs professionnels en échecs professionnels, je me coupe de mes relations, je ne sors plus. Tout me pèse tout est souffrance ; j’ai sacrifié toute l’énergie vitale dans la constitution de ma personne sociale et n’ai plus de jus pour satisfaire mon énorme curiosité.
    Je suis en mode survie.
    Je rêve de tout lâcher et d’être prise en charge, qu’on me soulage du quotidien et de me consacrer à la contemplation.
    Je vis seule et ai deux grands enfants. Je crains énormément l’avenir et la grande solitude qui me m’attend.
    Merci beaucoup d’avoir lu ce témoignage, peut-être que quelqu’un répondra, ça serait réconfortant,

    • Bonsoir Anna,
      Je ne sais si vous me lirez mais votre message m’a touchée. Il faut se poser la question du coût de notre normalisation, il semble être devenu pour vous insupportable. Personnellement j’ai crevé l’abcès en cessant de me conformer et de me cacher. Tout ne va pas mieux et je dois encore reconquérir ma vie intérieure rongée par le travail, mais je me sens déjà plus libre, plus forte, et pas plus seule, car les gens sentent quand nous sommes inauthentiques, et l’interprètent mal en se détournant de nous. Je vous souhaite de vous donner cette chance.

    • Bonjour Anna,

      Je suis très touchée par votre message. C’est dur, c’est complexe, ça peut paraitre profondément injustice et soulever des angoisses bien légitimes quant à cet avenir incertain qui nous attend, une avenir fait d’une gestion alourdie. Mais c’est aussi une immense opportunité de revivre plus proche de soi-même, apaisée. C’est un processus de mue que d’accepter et d’embrasser cette différence et une profonde libération, un soulagement et un bonheur quand on parvient ENFIN à la partager avec ses pairs. Vous avez les clés en main pour envisager et maitriser votre avenir en le façonnant avec vos nouvelles réponses. Je vous souhaite tout le meilleur.

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  1. Quelques infographies sur l’autisme – AspieConseil

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