La seconde partie de l’article sur l’empathie m’a permis de dégager l’idée de créer des fiches simples sur les habiletés sociales pour gérer au mieux les relations. Ce sujet s’inscrira donc dans une vocation très pragmatique: « Comment exprimer une critique? ». La structure triptyque sera maintenue, d’abord il faudra analyser pourquoi émettre une critique avec les résistances qui retiennent de le faire, ensuite il est important d’étudier comment réaliser cela selon la norme sociale. La dernière partie s’articulera autour des erreurs inhérentes à l’autisme et aussi sur la pratique sociale. Bien souvent les personnes autistes pèchent par généralisation ou par expression verbale non contenue. A contrario, parfois ils ruminent ce qui dérange sans mot dire. Pourtant des critiques bien formulées peuvent permettre d’avancer et favorisent notre bien-être si elles aboutissent à un compromis acceptable pour tous.
I) Pourquoi émettre une critique ?
Cet organigramme a pour finalité d’évoquer les raisons qui président à l’émission d’une critique constructive. Dans la partie plus technique, je dissocierai la critique constructive des jugements personnels.
Mais alors quelles sont les résistances à l’expression de nos sentiments négatifs ? Certains points sont inhérents à l’autisme, d’autres à l’expérience difficile rencontrée et d’autres se retrouvent bien entendu dans la population type. Je ne compte pas discriminer ces points mais plutôt proposer un ensemble :
Pour autant, faute d’avoir émis une critique, des sentiments nouveaux et négatifs vont faire jour :
- Augmentation des insatisfactions et des frustrations
- Risque d’augmentation de l’agressivité à cause de la rumination
- Risque d’évitement du problème et des autres
- Risque de généraliser le problème ou de critiquer avec violence en listant tous les points négatifs.
II) Comment exprimer une critique?
Il est possible de résumer la méthode DESC (Sharon A. et Gordon H. Bower)
D: Décrire les faits
E: Exprimer nos émotions
S: Spécifier les solutions
C: Conséquences et conclusion.
Toutefois, j’ai préféré développer un organigramme. Bien des personnes, dont moi seront opposées à l’idée de commencer une critique par un compliment qui sonne très artificiel. Mais il est important de connaître la norme pour la critiquer et parfois pour s’y soustraire ou non selon les circonstances:
Ci-dessous, j’explicite quelques exemples qui montrent la différence entre critique d’un comportement et jugement personnel. Il semble important de différencier le comportement de la personne, mais aussi ne pas généraliser le comportement qui dérange.
Jugement personnel |
Critique |
« Tu es une personne qui critique tout le monde » |
« Bonjour, J’ai été affecté par ta critique, je comprends que tu n’apprécies pas mon positionnement mais ne pourrais-tu, s’il te plaît, nuancer tes propos ? Cela m’a blessé » |
« J’en peux plus du bruit que tu émets tu ne peux pas manger proprement et en silence » |
« Je suis très sensible au bruit, aussi parfois, je suis gêné par les bruits de mastication, ne pourrais-tu, s’il te plait, faire moins de bruit en mangeant? Je suis très sensible au bruit » |
« Tu es bordélique », L’exemple lu sur un groupe que je gère et qui fut l’initiateur de mon sujet. Il n’y a pas de critique simple et acceptable, mais je propose une solution, même si je pense que le mieux est de se taire |
«lorsque des objets traînent, cela me créé un trouble attentionnel. Aussi, peut-être avec moins d’objets présents sur votre bureau, je pourrais mieux vous répondre et je serais moins distraite » |
De mon côté, je suis extrêmement critique. Comme je n’arrive pas à inhiber des détails, je ne peux pas observer la cohérence globale. Ainsi, malgré une certaine phobie sociale, la moindre opposition dans une conférence entraînera une question qui sonne en fait comme une critique. En attendant, je ne pourrais plus écouter le discours, et je me remue sur ma chaise prêt à décocher ma question acerbe. Autant dire que ça m’a valu bien des problèmes, et je suis régulièrement bloqué par des personnes sur Facebook.
III) La critique dans la pratique :
Quelques écueils importants qui méritent d’être soulignés :
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La légitimité de la critique : Dans un groupe d’habiletés sociales Asperger, une personne narrait qu’elle ne supportait pas qu’un collègue utilise deux fois la même intonation de voix. Cette pratique quoi que gênante pour elle, ne pourrait faire l’objet d’une critique, d’abord parce que la personne qui la reçoit n’aurait pas les ressorts pour changer, puis par ailleurs elle demeure trop atypique pour être comprise. La critique doit être vue comme une manière de développer le bien-être de tous et particulièrement le vôtre, et pas comme l’expression d’un jugement négatif.
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Émettre une critique sur un ton négatif : La prosodie (l’intonation est importante), élever la voix peut renforcer l’idée de jugement.
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Soyez spécifique : Une critique à la fois et toujours ainsi, si vous transgressez ce principe, l’autre se sentira accablé, et ne saura comment agir. Par ailleurs, cela aide à prioriser les problématiques.
- Si le problème perdure : inutile de revenir tout de suite sur le sujet. D’abord il faut un temps pour progresser, ensuite il est primordial de se rappeler que l’autre est seulement invité à changer. Par contre, il est possible toujours avec la même façon, d’effectuer une autre demande pour lui rappeler que son comportement est dérangeant pour vous.
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Faites un suivi des progrès, par exemple de la même façon que l’ABA, il est utile d’encourager toute prise en compte de votre crituqe
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Évitez d’émettre une critique devant un tiers, ou pire de le faire pour un autre. Le témoin risquerait de prendre parti et celui qui en fait l’objet pourrait en prendre ombrage
Ici, vous trouverez deux manières d’aborder la critique, la première qui ne produit rien en terme de changement si ce n’est créer une tension :
L’approche autistique qui est souvent la mienne n’est pas non plus celle attendue. Elle se contente d’être factuelle, elle est reçue comme un jugement car elle ne donne pas les moyens de changer l’objet :
Bien sûr, tout ça peut paraître caricatural puisque cela sert un propos, mais voici dans l’idéal comment une critique devrait se dérouler :
Nous n’avons abordé que l’émission de la critique, car elle est la plus difficile pour les personnes autistes. Cette conclusion pourra sonner comme un leitmotiv, mais il est évident que la critique s’inscrit aussi dans des règles sociales attendues. Aussi j’estime qu’il faut trouver des lieux où la critique plus factuelle, plus autistique est possible. Cet exercice social doit donc être réservé aux relations dans le cadre socioprofessionnel. L’avantage d’émettre une critique normée est d’engendrer plus souvent un changement de comportement si celle-ci est bien formalisée. Ainsi, comme dans les sciences comportementales, plus vous réaliserez cela, plus vous serez gratifié. C’est pourquoi je vous conseille de commencer à critiquer d’abord quand l’enjeu n’est pas important ou bien d’utiliser des tableaux pour dissocier simplement jugement et critiques. Ensuite vous pourrez plus facilement trouver des compromis et favoriser votre bien-être.
Ps : Vous pouvez aussi exercer votre critique à l’endroit de cet article, mais si vous me notifiez mes fautes de frappe, n’hésitez pas à me donner les lignes pour que je puisse les corriger.
Remerciements à Perrine pour avoir critiqué mon schéma, et à Béatrice qui m’a fait ajouter des formules de politesse et nuancer mes critiques, cela est fort utile d’avoir des amis Neurotypiques
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Quelques liens utiles sur le sujet:
la méthode DESC
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