Le titre peut sonner comme un buzz des magazines scientifiques, tant il s’inscrit dans une polémique. Mais ce choix ne tient rien au hasard : j’avais en tête cette opposition classique souvent formulée par le « haut du spectre ». Aussi vais-je, comme à mon habitude étudier cet accompagnement. Je tiens à préciser deux points : je coanime un groupe sur Orléans depuis le début d’année scolaire et je fus participant à un groupe de ce type au Centre Expert de Créteil. Même si, selon l’expression courante « je suis juge et partie», je m’attacherai à garder un sens de l’objectivité et de soulever les problématiques intrinsèques de cet accompagnement.
Dans mon dernier article Cartographier l’autisme en schémas pour mieux l’accompagner, je le précisais, l’autisme n’est pas qu’un « simple » handicap social, toutefois il est clair que c’est en général la sphère la plus touchée. Cette préconisation me semble donc appropriée si elle intègre des outils et une sociabilité personnalisée qui respectent les spécificités inhérentes au diagnostic d’autisme.
La première partie décrira les objectifs d’un tel groupe, la seconde le déroulement, et enfin la dernière partie abordera les critiques du modèle classique et comment répondre au mieux, bref il faut respecter le triptyque désormais traditionnel de ceux qui me suivent.
I) Les Objectifs d’un groupe d’habiletés sociales
Les groupes d’habiletés sociales touchent diverses pratiques :
Ces pratiques peuvent avoir un impact autant sur :
- la communication
- le comportement
- Le bien-être de la personne.
Ainsi si on prend la régulation émotionnelle, elle offre :
- Une meilleure identification des ressentis corporels (prémisse d’un meltdown par exemple)
- L’expression à des tiers qui peuvent consoler au besoin ou aider à changer l’environnement
- Une régulation verbale qui permet de calmer un sentiment de crise.
Très souvent, les enfants autistes affichent « des troubles du comportement ». Ces troubles peuvent avoir comme antécédent, leur incapacité à exprimer leur souffrance environnementale. C’est pourquoi avec la communication alternative ou orale, certains troubles peuvent disparaître. Les habiletés sociales peuvent donc être un processus de régulation émotionnelle. Elle peut aussi favoriser des techniques de coping, c’est à dire un ensemble d’efforts cognitifs pour anticiper et agir par rapport à un stress potentiel.
II) Le déroulement d’un groupe d’habiletés sociales :
J’y reviendrai en 3eme partie, mais hélas beaucoup de groupes de socialisation se déroulent à l’instar d’un cours de mathématiques, avec de la théorie suivie d’exercices pratiques. Voici la forme que peuvent prendre certains groupes surtout pour les adules :
Le cadre thérapeutique s’articule selon le schéma suivant, il a comme avantage de tenter de déconstruire les résistants au changement (Autisme Asperger, changer???), mais il souffre de décontextualisation et ne s’approche pas assez du réel.
Ainsi le déroulement d’un groupe d’habiletés sociales adulte est souvent proche du schéma formulé suivant:
III) Écueils possibles liés à l’ entraînement aux habiletés sociales
1) Une société idéalisée
Lors du groupe d’habiletés sociales du centre expert de Créteil, j’eus souvent l’impression que le neuropsychologue, pourtant très au fait de la société, et particulièrement spécialisé dans l’autisme, me dépeignait une société idéalisée. Il ne fallait jamais émettre des critiques générales, une fois la critique énoncée trouver un compromis gagnant pour tous. La manifestation de l’empathie sociale (voir attendu ici : La critique: une pédagogie du progrès) était l’expression d’un réel souci de l’autre, tant j’y voyais seulement de l’automatisme « hum hum pas facile » et à la fin un « n’hésite pas à me contacter si tu en as besoin » qui n’était pas du tout contractuel. A ce stade, je dois avouer avoir songé que 99% de la planète aurait eu tout interêt à suivre des GHS, mais que seuls nous devions agir comme si la personne en face était a-priori bienveillante. Voilà pourquoi, tout au contraire, je donnerai au cours des groupes, les moyens de repérer la malveillance chez autrui, et décrirai la société non telle qu’elle devrait être, mais telle qu’elle est pour agir au mieux fort de cela
2) La faiblesse pratique :
C’est hélas l’un des plus gros points négatifs, les habiletés sociales ne s’apprennent pas comme les mathématiques et si un participant peut le temps de 5 minutes mimer parfaitement l’empathie, il est fort possible qu’il ne sache pas exploiter cela dans la réalité de la sociabilité.
Il est nécessaire en effet :
- d’identifier que la situation nécessite de l’empathie
- savoir écouter tout en plaquant la méthode « empathie sociale »
Comment palier ce problème ? voici quelques astuces :
3) Respecter les spécificités de l’autisme
Il serait vain en très peu de cours, d’obliger des personnes autistes à mimer les expressions faciales. La scène suivante pourrait expliciter de façon simple, l’inanité d’une telle pratique : la personne apprend une mauvaise nouvelle. Elle devrait aussitôt songer « je dois prendre un regard vide embué de larmes » pour répondre à l’attente sociale de souffrance affichée. Il faut donc trouver une sociabilité personnalisée pour que la personne, si elle n’est pas capable d’exprimer de façon non verbale une émotion, puisse le faire autrement. Deux étapes sont nécessaires :
- Identifier ses propres ressentis et dans l’hypersensibilité, ce n’est pas toujours simple à décrypter
- Ensuite tenter de l’exprimer verbalement ou de façon non verbale par un moyen compréhensible par tous, par exemple par la communication alternative (thermomètre de l’humeur, roue des émotions)
De même que si je n’ai pas de contact oculaire avec une personne, j’ai appris par la prosodie (intonation) et par le contexte à inférer souvent de façon exacte son état mental. Il faut donc proposer une sociabilité adaptée à la personne autiste. Faute de quoi, le groupe d’habiletés sociales n’aura servi à rien puisque passé ce moment, les personnes auront l’impression de devoir sans cesse réapprendre une langue étrangère qui n’a rien de naturelle.
4) intégrer des scénarios sociaux :
Les scénarios sociaux sont de courtes histoires écrites pour des personnes autistes qui permettent d’anticiper des réponses adaptées dans un contexte (Grey 1996) par exemple:
http://www.lespictogrammes.com/scenario-fr.php
Conclusion
Tout n’a pu être abordé, mais là est l’apport théorique. Sans doute aurait-il été congru (j’aurais pu idoine, mais j’avais envie de changer) de s’interroger sur l’apport du GHS dans le cadre d’un autisme modéré ou sévère, de discriminer les différents programmes possibles en fonction du niveau. Aussi je présente en fin d’article des sources bibliographiques ou internet qui devraient satisfaire votre curiosité. L’entraînement aux habiletés sociales est fructueux lorsque celui-ci est mené dans le respect des spécificités de l’autisme et dans une vocation d’être pratique avant même d’être théorique.
Bien entendu, cela dépendra toujours du handicap sociale de la personne, de son appétence sociale, faible chez moi. Les GHS ne sont donc pas une méthode pour transformer les personnes autistes en NT, la personne autiste ainsi pourra concevoir une communication personnelle, ensuite libre à elle d’initier des conversations ou pas. Comme le suggèrent assez justement les recommandations HAS adultes, après tout la personne autiste doit demeurer le moteur et le décideur de son accompagnement.
Vous pouvez vous abonner à ma page facebook, je mets quelques tests, des informations à destination des personnes autistes et à leur famille:
https://www.facebook.com/Aspieconseil/
Ps: Merci à Mathilde, pour l’idée de repérer la malveillance chez autrui!
Sources scientifiques:
Baghdadli, A. et Brisot-Dubois, J. (2011). Entraînement aux habiletés sociales appliqué à l’autisme. Issy-les-Moulineaux Elsevier Masson.
Baker, J. E. (2003). Social Skills Training for Students with Asperger’s Syndrome and Related Social Communication Disorders. Shawnee Mission : Autism Asperger’s Publishing Company.
Barry, L.M. et Burlew, S.B. (2004). Using social stories to teach choice and play skills to children with autism. Focus on autism and other developmental disabilities, 19(1), 45-51.
Les schémas en ligne
Je suis assez partagé sur le principe de ces cours (je détaillerais dans un de mes futurs articles), mais je plussoie sur un point : non les NT (et les autres mais là c’est de communication avec eux qu’il s’agit) sont pas forcément bienveillants.
Et on peut facilement confondre leur côté poli, souriant, « agréable », ou « pas méchant » avec de la gentillesse et de la bienveillance. Ou du respect.
Par ailleurs on ne leur doit aucune « reconnaissance » si ils ont du respect de base, c’est normal…
Et ce n’est pas de la bienveillance si ça sert à se faire mousser en public (hello les « parents d’autisme »).
Je rajouterais que outre la malveillance, il y a les cas de non-bienveillance : par exemple la personne qui ne veut pas nuire pour le plaisir de nuire, mais s’en fout et va faire passer son confort avant le handicap de l’autre.
Il y a enfin les « bonnes intentions » (souvent bonnes sur le papier seulement d’ailleurs) de personnes qui veulent « nous aider » sans demander et de façon paternaliste, nous « rendre normaux »…
A cause de tout ça, je me méfie comme de la peste des NT et de leurs jeux sociaux (qui sont une seconde respiration chez eux) honnêtement.
Et l’inverse est vrai aussi. Plein de personnes « psychorigides », « difficiles », « hautaines », etc, peuvent se révéler bienveillantes pour peu qu’on ne les juge pas sur leurs aptitudes de communication superficielle…
Je me permets de vous répondre, d’abord j’évolue dans mes conceptions. Je ne reste pas figé et du groupes d’habiletés sociales,j e suis passé à un groupe d’outillage social avec aide pour mieux gérer le stress.
Sinon pour moi à l’instar des médicaments, nous sommes dans un ratio Bénéfice/risque, je peux réprouver le monde, je l’ai fait pendant des années à finir isolé dans un appartement de vacances. J’étais en souffrance permanente, que m’a appris ce temps? Finalement qu’il fallait que je trouve une manière de gérer les autres fort de mes spécificités.
Je n’encourage pas les GHS, c’est à chacun de voir, j’ai suivi un GHS à créteil qui m’a déplu. Je n’ai jamais eu d’appétence sociale, et je n’en ai toujours pas, ce fait ne changera pas. Par contre, j’essaie de préparer ma communication pour diminuer mon stress pour MON bien-être avant tout, secondairement pour le bien-être de mes proches.
J’aurais dû vous répondre préalablement désolé, ce blog participe à mon évolution aussi, mon regard change, parfois je supprimerais d’ancien article, mais je me dis que ça peut aussi amener à une évolution de la pensée.
Merci de la réponse et pas de soucis pour le délai c’est normal de pas toujours avoir le temps et les cuillères.
Par contre n’hésitez pas à m’interpeller en mp, inutile de m’attaquer dans une page facebook à mots couverts pour que quelqu’un vienne me le rapporter.
Ne sommes-nous capables d’en discuter, je peux entendre que mes propos dérangent et j’évolue, la dernière infographie je l’ai modifié suite à une remarque. Une partie était clairement misogyne…
Vraiment je ne dis pas ça méchamment mais je ne gagne rien avec ce blog, j’essaie d’aider. Je peux me tromper, je peux proposer des articles qui ne sont pas utiles, des mauvais articles. Vraiment j’encourage à m’écrire, mes mps sont ouverts. Après je vis sans doute les choses différemment de vous, mais je crois que la représentativité est multiple, quand j’écris un article c’est parce qu’il me semble pouvoir aider des personnes. Ensuite chacun dispose, s’il n’est pas d’accord il peut carrément en faire fi, comme parfois je n’aime pas telle partie d’un livre. Par exemple dans votre blog, j’adhère à des points mais pas à tout.
Voilà je préfère vous le dire…
Honnêtement j’en ai parlé sur ma page et mon blog parce que ça me semble important au niveau des idées. Et je « visais » les écrits de pas mal de gens (dont vous oui) mais j’ai choisi de mettre aucun nom. Non pas pour parler à mot couvert mais pour pas « pointer du doigt » les personnes. Car déjà c’est les idées que je critiquais, non les personnes ou l’entièreté de leur travail. Ensuite je voulais pas risquer de lancer des shitsorm contre des personnes en mettant les noms (trop l’habitude des débats militants qui partent en sucette…)
En fait apprendre à se méfier des NT et des personnalités prédatrices (psychopathes, sociopathes, narcissiques…), à repérer leurs coups et à s’en défendre c’est sans doute l’aspect le plus urgent à apprendre en habiletés sociales