La fatigue dans l’autisme

Actuellement, couché dans mon lit, l’ordinateur sur mon genou, je me suis dit que c’était le moment idéal d’évoquer la fatigue dans l’autisme.. Difficile de trouver une seule cause pour expliquer la fatigue dans l’autisme. Fidèle à l’idée de Détective de l’autisme, comprendre c’est déjà en partie solutionner le problème. J’évoquerai aussi des solutions ou tout au moins des remédiations pour réduire la fatigue.

Je me permets de mettre un lien d’un labo de recherche sur l’autism et la fatigue où vous trouverez de nombreuses explications et ressources: https://lapefa.com/

 

Les troubles de la modulation sensorielle :

Bien entendu, avoir des hypo ou des hyper réactivités aux stimulus sensoriels fatigue énormément les personnes autistes. Tous ceux qui vont dans des lieux bruyants, vous le diront, à la fin de la journée ils sont fatigués. Or, spoïler alert, pour une personne hyper réactive au bruit, tous les lieux sont bruyants (même si certains le sont plus que d’autres).

Je vous renvoie à cette histoire que j’avais collée sur Facebook (https://www.facebook.com/photo.php?fbid=580911997164746&set=pb.100057378524223.-2207520000.&type=3) et qui souligne bien le problème sensoriel et ses conséquences, ainsi qu’à ce graphique :

Des personnes peuvent être hyporéactives sensoriellement, mais la recherche sensorielle engendrée, le besoin de se stimuler en permanence est tout autant fatigant.
Pour aller plus loin :
L’Autisme dans tous les sens

Et bien sûr l’excellent livre d’Olga Bogdashina sur le sujet

Les troubles des fonctions exécutives

Le trouble des fonctions exécutives est un problème récurrent dans l’autisme, difficile de ne pas l’évoquer pour la fatigue. Les définitions et son contour sont variables, mais je retiens les dimensions concernées suivantes :

  • L’inhibition : la capacité à garder le contrôle sur un comportement/une action
  • La planification : La capacité à gérer son temps, à structurer de tâches en sous-tâches, à planifier
  • La flexibilité : La capacité à modifier, changer, s’ajuster à une nouvelle situation
  • L’activation : La capacité à se lancer dans un comportement
  • La mémoire de travail : la mémoire immédiate qui est utile pour manipuler des données

S’ajuster, changer, garder le contrôle sur des comportements habituels, c’est le quotidien de bon nombre de personnes autistes. Quotidien extrêmement coûteux, tel un appareil photo dont il faudrait ajuster chaque paramètre, nous devons à chaque fois modifier, s’ajuster, quand d’autres semblent s’ajuster de façon automatique aux situations.

C’est pourquoi chez certains enfants ou adultes autistes, changer de chemin est la garantie de rencontrer un comportement défi rapidement. Tout simplement parce que beaucoup de personnes autistes ont du mal à trouver une sorte de métareprésentation globale qu’il suffirait de modifier en fonction de la situation :

 

Par exemple, beaucoup d’entre vous savent sans doute gérer une annulation de train, ou un retard (tiens à cause des grèves bien légitimes au hasard), et bien une personne autiste aura du mal à rechercher un modèle. Par ailleurs même sans trouble de l’attention, une grande partie de la concentration va sur l’ajustement

Pour aller plus loin : Les fonctions exécutives

Les habiletés sociales :

 

Pour une personne autiste, même quand elle est motivée socialement, l’ajustement lié à la communication est coûteux, pensez donc il faut :

Ceci est bien sûr, plus naturel hors autisme et engendrera un coût énergétique plus faible, une belle illustration de ce problème est cette image, qui montre à quel point ce mode manuel engendre des tas de questions :

http://ekladata.com/KupfSUPBLmCdCuT_gE2uKaE9u1M.png

Cette semaine j’ai fait beaucoup d’interviews de professionnels et bien je n’ai jamais été autant fatigué. J’arrive plus ou moins gérer les interactions, mais elles me coûtent énormément en énergie. Autant une formation, où je suis quand même dans une intéraction plutôt vers les autres m’est assez naturel, car ça reste une mécanique à apprendre. Autant une interaction devient vite énergivore.

Les co-occurrences médicales et troubles associés :

Les comorbidités sont nombreuses, je les ai déjà explicitées et bien entendu un TDAH, des troubles obsessionnelles  ou autres impacteront aussi beaucoup sur la fatigue:

A la recherche des comorbidités de l’autisme

Bien sûr, je les détaillerai rapidement, on trouve beaucoup de problèmes médicaux surreprésentés dans l’autisme, par exemple le SED (syndrome d’Ehlers-Danlos) mais aussi un tas de troubles qui peuvent générer de la fatigue :

Avoir mal au ventre toute la journée fatigue énormément, j’en sais quelque chose et une amie autiste qui se reconnaîtra aussi.

Les troubles du sommeil

Les problèmes de sommeil sont assez fréquents chez les adultes autistes. Ici l’étude montre 66% de personnes autistes avec des troubles du sommeil important. Donc, on dénombre 66% de troubles du sommeil dans l’autisme. Ceux-ci se répartissent en difficultés d’endormissement (27%), difficultés pour maintenir le sommeil (23%) et en réveil précoce pour 13%.

 

Mais alors tout ça est très bien monsieur PIAT mais comment travailler cela ? (j’invente des dialogues, où j’ai pas besoin de prendre de posture ou avoir une situation sociale adaptée, comme ça je ne serai pas fatigué, puis comme je solliloque souvent ça ne me change que peu)

Les solutions pour réduire la fatigue

Favorisez les bons contextes :

Structuration et adaptation des lieux aux particularités sensorielles des personnes autistes.

ou

Permettre aux personnes autistes d’avoir des supports sensoriels au besoin qu’ils peuvent utiliser ponctuellement (casque anti bruit, lunettes,…)

Meilleure répartition des ressources:

  1. Favorisez des emplois du temps où la personne autiste n’est pas sursollicitée une journée
  2. Préférez des temps de travail courts, mais récurrents, aux temps de travail longs et éreintant
  3. Donnez des moyens de communication pour prendre les pauses. Cela  parait tellement évident, que je suis gêné de l’écrire moins après visite d’établissements.
  4. Favorisez des routines connues
  5. Donnez de la guidance pour éviter les comportements liés à la frustration
  6. Adaptez votre communication aux personnes autistes en donnant des règles explicites

Travaillez les compétences sociales:

Pour sûr la première fois que vous avez pris l’avion, vous saviez ce qui allait se passer, et bien les habiletés sociales, se travaillent. Donner de la prévisibilité permet à la personne autiste de savoir l’attendu, de savoir ce qui va se passer, de pouvoir compter sur de la coopération. Les scénarios sociaux sont amplement détaillés dans mon livre sinon il existe ce site:

https://monscenariosocial.weebly.com/

De même, on pourra utiliser d’autres moyens, comme le vidéo modeling. Celui-ci peut servir de tutoriel social ou tutoriel de compétences, je vous invite à regarder la vidéo que j’avais faite avec Sandrine:
https://www.youtube.com/watch?v=UY0FfYpe06M

Travaillez les sensorialités:

Je sais qu’en disant cela les personnes autistes ne vont pas toutes être d’accord, mais les sensorialités ça se travaille. Si je commence à porter des lunettes de soleil, j’ai envie de les porter toute la journée y compris chez moi. Or, ce faisant, je finirai par accroitre mon seuil neurologique et ne plus supporter le soleil, comme une personne qui sort d’une grotte.

Aussi, dans l’hypersensorialité, il faut façonner, habituer graduellement aux bruits de la vie. Le casque anti bruit reste un outil efficace, mais il  doit être réservé aux bruits importants et inutiles. Il faut travailler graduellement à une habituation aux bruits. Ainsi, dans des temps choisis sans forcer, simulez un bruit (au début très faible ou sur youtube). Puis peu à peu il faut l’augmenter. Hélas, certains bruits sont nécessaires ne serait-ce que pour avertir du danger

Dans l’hyporéactivité sensorielle, il faut donner du sensoriel régulièrement notamment avant le travail pour augmenter la concentration et diminuer la recherche sensorielle.

Dans tous les cas, si ça peut aider la personne autiste à supporter des bruits du quotidien, cela doit toujours s’accompagner d’un environnement adapté à la personne.

Avoir un mode de vie en rapport avec sa fatigabilité:

Manger sainement, limiter les excitants, sont autant de moyens de réduire sa fatigabilité. Pour autant, la solution n’est pas que le repos, ainsi je m’astreins à marcher 10 000 pas par jour. Même si ma seule envie est de me coucher, j’ai noté que ce moment de calme, de relaxation, me redonnait de l’énergie (de façon très contre-intuitive). Bien sûr, nul n’est tenu d’agir ainsi, mais la fatigue que nous ressentons en général, en tant que personne autiste, n’est pas celle liée au sport, mais à l’environnement sensoriel et cognitif dérangeant. Prendre quelques minutes à marcher, quelques autres à respirer convenablement peuvent aider bien des personnes autistes, tant pour les sensorialités que pour le bien-être. Il ne s’agit pas de dire aux personnes autistes si vous êtes fatigués allez contre votre nature, mais bien de trouver un moment relaxant qui régule.

Un autre point important, depuis quelques jours, je suis épuisé psychologiquement et physiquement comme jamais aussi je me suis lancé dans ce qui me fait le plus de bien en pareil cas, mon intérêt spécifique : l’autisme. Voilà pourquoi j’écris, n’hésitez pas à laisser les personnes autistes s’adonner à leurs intérêts spécifiques en pareil moment. Ces moments permettent concentration, régulation et souvent sentiment d’efficacité renforcée

 

 

Le sommeil, ça se travaille aussi :

Avant tout, avant d’utiliser mélatonine ou actions comportementales, des règles valables pour tous les enfants, notamment les enfants autistes :

  1. Contrôler la température de la chambre (par exemple à 19°C)
  2. Éviter les activités sportives tardives
  3. Arrêter tous les écrans au moins une heure avant le coucher
  4. Vérifier que les médicaments n’ont pas d’incidence sur le sommeil
  5. Favoriser le sport et la marche tout au long de la journée
  6. Empêcher les siestes au cours de la journée
  7. Limiter les liquides avant de dormir et évitez tous les stimulants (coca, café…)
  8. Le changer avant le coucher si besoin est, il est important que l’enfant soit au sec
  9. Renforcer toute réussite dans le sommeil
  10. Fixer une routine de sommeil

Ensuite, il est vrai que 63% des personnes autistes (chiffre variable selon les études) ont un niveau de mélatonine réduit comparativement à la population, la mélatonine ici le Slenyto augmente en moyenne de 89 minutes le temps de sommeil :

N’hésitez pas non plus à explorer les problèmes de sommeil auprès de spécialistes. L’apnée du sommeil n’est pas si rare dans l’autisme et peut conduire à des nuits peu réparatrices. La corrélation comportement défi et troubles du sommeil est assez avérée.

Pallier les fonctions exécutives :

Deux types de travail existent, la remédiation qui consisterait à travailler les fonctions exécutives en soi, mais aussi des supports organisationnels. Les supports organisationnels me furent bien précieux. Ainsi s’il m’arrive de me tromper encore une ou deux fois par an sur mon agenda, je n’ai plus de formations qui tombent le même jour au même moment. Merci à l’ergothérapeute qui m’a suivi pour ce travail. Pour travailler, cette ergothérapeute ne m’a pas imposé des solutions. Elle a co-construit semaine après semaine quelque chose qui aujourd’hui est parfaitement efficace pour moi.Une des principales difficultés pour moi était l’angoisse anticipatrice qui m’empêchait de mettre à jour mon agenda. 

Quand il existe des problèmes de planification, le timer ou l’agenda visuel permettent de rendre concret à la fois le temps et les activités qui se passent. C’est là l’intérêt pour des personnes qui ont des troubles de fonctions exécutives notamment dans la planification.

Pour travailler les fonctions exécutives en soi, il faut soit passer par le jeu et j’ai développé sur youtube quelques idées:


Il est aussi possible de le travailler via des programmes, mais cela nécessite une expertise détaillée et un sujet en soi.

 

Changez votre façon d’appréhender les personnes autistes:

Enfin, ne pas avoir de remarques sur sa fainéantise ne changera pas notre fatigue. Toutefois beaucoup d’entre nous pourront mieux accepter leur fonctionnement si aussi les autres l’acceptent.

 

C’est tout un dialogue à revoir. La fatigabilité est aussi liée aux expériences négatives, au sentiment d’efficacité, et aussi à la façon dont nous sommes traités:

Beaucoup d’entre nous ont subi discrimination, et finalement ont beaucoup d’angoisses anticipatrices qui fatiguent énormément dès qu’une situation sociale se présente. Comme toujours, les réponses de l’environnement produisent un comportement. Le sentiment d’efficacité personnel est dégradé dans l’autisme. Bousculer la personne fatiguée ne la rendra pas plus active, mais plus démotivée…En ce moment, je suis couché dans mon lit, en train de corriger les quelques coquilles pointées par mon amie Caroline,. Et bien jai juste envie que chacun accepte cela, cela ne m’empêche ni d’être un bon père ni d’être un bon mari…

Comme je le disais aussi sur Aspieconseil : « Quand nous allons mieux, parfois nous voulons trop faire et la réalité nous rattrape, mais en même temps, malgré la souffrance du renoncement, c’est aussi ces moments d’enthousiasme qui nous portent. L’acceptation de la société passe aussi par le fait que des personnes en situation de handicap, n’ont pas être comparées aux personnes valides qui sont d’ailleurs une norme floue et une réalité hétérogène, et c’est d’ailleurs la stricte définition du validisme. ».

 

 

En conclusion, la fatigue est clairement inhérente à l’autisme. Comme vous l’avez vu les causes sont nombreuses et ne dépendent pas du bon vouloir des personnes autistes. Il est donc important de tenir compte de cela dans votre façon d’interagir et d’adapter l’environnement, de coconstruire des solutions. Cette fatigue ne doit pour autant devenir un moyen de réduire un peu plus l’inclusion des personnes autistes mais au contraire d’imaginer des solutions.

En ce moment une étude participative est déployée sur le sujet par le laboratoire LAPEFA qui cherche d’ailleurs des personnes autistes pour y participer. Les causes sont nombreuses.

3 Comments

  1. Merci pour cet article.
    Diagnostiquer très tardivement (42 ans) il y a peu, je souffre de mon épuisement chronique. En plus des informations utiles pour trouver des solutions, vous lire m’est tout simplement soutenant, en me sentant moins seul et même en n’étant compris en quelque sorte.

    Bien à vous Nicolas.

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