Autisme et sécurité

Préambule: Merci aux diverses formations, articles sur le sujet qui ont nourri ma réflexion sur la thématique. Le début de mon article peut sembler anxiogène, mais il a pour objectif d’engager un travail en établissements, familles ainsi qu’en libéral

Un sujet un peu différent qui concernera plus les parents que mes lecteurs habituels mais qui en définitive profitera à chacun. Devant les nombreux drames, de fuites et de noyade qui marquent l’autisme, je souhaitais sensibiliser à ce sujet. L’article ci-après peut sembler anxiogène, mais il est écrit avant tout pour rappeler une réalité et un besoin d’enseigner les habiletés sécuritaires. Avant tout, n’oubliez pas, ceci n’est pas une fatalité mais une thématique qu’il convient de travailler.

Si chez les enfants typiques, la conscience du danger est acquise par mimétisme et se fait relativement facilement. Dans l’autisme, cela demeure un point très important, les conséquences de ce manque de conscience du danger font que beaucoup de personnes autistes sont vulnérables si elles se retrouvent seules.

Dans une première partie, je développerai les différentes statistiques à disposition sur la fuite dans l’autisme, ensuite le lien entre autisme et sécurité et enfin je proposerai quelques outils pour travailler des solutions

I) Situations à risques

Afin de mieux comprendre les situations à risque, il est important d’en développer les différentes thématiques :

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Quelques chiffres qui témoignent de la gravité,  si je les souligne, c’est qu’ils ont valeur d’alerte et d’engagement dans le travail des compétences liées à la sécurité:

  • De 50 % à 80% des personnes autistes selon des questionnaires auprès de parents ont essayé de s’enfuir au moins une fois
  • 1/3 des cas de fuite reportés à la police selon nationalautisme.org se sont terminés par le décès de la personne.
  • Dans ces décès 70% sont liés à une noyade
  • 65% des parents rapportent que leur enfant autiste n’a pas conscience du danger lié à la route (Anderson)
  • Selon cette même étude le risque est majoré lorsque l’enfant a une altération de la communication sociale plus marquée.

Avant de considérer comment travailler la sécurité, il est important de comprendre pourquoi les comportements à risques sont plus nombreux chez les personnes autistes

II) Conscience du danger et autisme :

Quelques raisons qui peuvent expliquer les dangers accrus lors des fuites dans l’autisme, ainsi voyons pourquoi le risque est majoré dans l’autisme:

image 2

Si le risque est majoré pour une personne autiste, il convient de comprendre pourquoi la personne autiste fuit. Bien sûr, il est difficile d’évoquer une liste exhaustive des raisons :

  • Intérêts spécifiques qui peuvent être dangereux : train, voiture, feu, eau.
  • Autostimulation sensorielle (courir, goût pour l’eau etc) ou attirance visuelle pour un lieu
  • Besoin d’attirer l’attention
  • Fuite par rapport à une situation aversive (cris et bruits en général, menaces, lieu de maltraitance)
  • Difficultés à comprendre les intentions des autres (empathie)
  • Ennui, dans certaines institutions, il y a peu d’activités attractives

 

Afin quand même d’illustrer ce risque, je me permets un témoignage personnel ainsi que des faits évoqués par des amis concernés par l’autisme :

Il est difficile de préjuger ce qui cause une fuite, même pour des personnes Asperger.  Plus jeune, j’ai entendu une musique classique qui m’a plu, je suis entré sans prévenir mes parents dans une répétition et j’ai retrouvé ma mère inquiète de ne pas savoir où j’étais. J’avais alors une dizaine d’années. Une autre fois, j’ai traversé sur le passage piéton, me suis fait écraser le pied, certain que le passage piéton me garantissait la sécurité. La deuxième difficulté est que je n’ai que peu évoqué ma souffrance, mais mes parents étaient habitués à cela… De même ma femme, me dit qu’il ne faut pas laisser traîner un médicament, sous peine que je l’avale comme ça sans y réfléchir.
Bien entendu, si j’évoque cela, c’est aussi pour souligner que ça peut concerner toutes les personnes autistes, même s’il est évident que perdu, j’arriverais à interagir avec des personnes pour demander mon chemin. D’ailleurs comme dans mon livre, j’encourage toujours à écrire des solutions sur un papier en cas d’agression, de perte de chemin etc

Des personnes autistes que j’accompagne peuvent se mettre d’un coup à suivre un oiseau, ou sont attirées par un bruit. Elles peuvent alors traverser devant une voiture, focalisées par cet oiseau qui occupe leurs pensées. Il est donc très difficile d’inférer une seule cause, et de part mon expérience, les fuites sont plus souvent liées à un manque de conscience du danger, qu’à un échappement d’une situation.

Enfin  le risque de sous-généralisation et le manque de contextualisation peuvent engendrer des situations dramatiques. Par exemple un enfant se croyant chez lui a sauté par la fenêtre comme il le faisait chez ses parents, toutefois il se trouvait ailleurs et pas au rez-de chaussée comme chez ses parents.

III) Comment favoriser la sécurité des personnes autistes

Au préalable, j’aimerais évoquer un point important : quand une fuite arrive, ce n’est pas de la faute des parents. Car il est impossible de rester vigilant 24h/24. Il est souvent impossible pour beaucoup de tenir par le bras leur enfant et en même temps répondre au téléphone ou faire les courses. L’idée ici n’est donc pas de culpabiliser les aidants, les éducateurs, mais de répondre au mieux à une problématique: celle de la sécurité de la personne.

Les outils qui peuvent sécuriser l’environnement des personnes autistes :

  • Les GPS : Le GPS est surtout utile pour faciliter les recherches. Certains fonctionnent par abonnement, d’autres s’achètent à un prix plus élevé au départ. Le problème majeur de ce dispositif est qu’il faut s’assurer que la personne le garde en toutes circonstances
  • Un environnement très sécurisé avec les préventions domestiques usuelles mais en plus des placards fermés pour éviter l’ingestion de produits dangereux
  • Des verrouillages de fenêtres/portes, des alarmes de fenêtres  (exemple de produit chez LIDL 4€)
  • Mettre un bracelet d’identification, si je suis opposé à la carte d’identification autiste pour des personnes comme moi, je trouve que cela peut être utile d’identifier visiblement qu’une personne est en danger, si elle est non accompagnée
  • Prévenir le voisinage des spécificités de la personne autiste afin que celui-ci puisse réagir si elle le voit
  • Avant que l’autonomie de déplacement ne soit acquise, il est important de tenir fermement son enfant. D’ailleurs, il n’est pas rare d’identifier les personnes autistes à la façon dont les parents les tiennent par le poignet.

Un dernier principe, n’oubliez pas que contrairement aux autres compétences, ces compétences sécuritaires ne peuvent être acquises qu’avec seulement 100% réussite.

BD

Dessin inspiré d’une formation sur le sujet

Pour parer le danger accru, apprendre à la personne à s’arrêter :

  1. Guidance physique au départ suivi d’un « arrête toi Marc » et d’un renforcement (tangible ou social)
  2. Guidance de plus en plus légère suivie d’un renforcement
  3. Essai et vérification de l’arrêt sur l’injonction « arrête toi Marc »
  4. Travail sur la généralisation des lieux (IME/école, forêt, hypermarché)

Apprendre à discriminer les objets toxiques des autres :

  • Discrimination des étiquettes (apprentissage du danger)
  • Discrimination des objets (Soda et détergent)

discrimination

Apprendre à travailler le « non » : pour éviter qu’un adulte puisse enlever un enfant, comme c’est un travail très complexe, je préfère ne pas trop entrer dans les détails, il est possible de travailler soit de l’intraverbal (c’est-à-dire des questions), soit des propositions par rapport à des activités agréables/désagréables.

Utiliser du vidéo-modeling : pour expliciter les situations par exemple un enfant qui traverse la rue et ensuite faire de l’analyse de tâche, par exemple en utilisant ce type de vidéo en anglais (il suffit de retirer la bande son et de la remplacer par une bande son française) :

https://www.youtube.com/watch?v=WT4cmyBMifo

Trier les personnes de confiances des inconnus :

cercle

Tri de couleurs pour reconnaître les feux (ici au lieu du orange, on proposera du vert), je n’avais pas le matériel pour le faire :

tri couleurs

Utiliser un scénario social (traverser la rue, que faire si on est perdu), merci à Mon scénario social :

Le reste du scénario est disponible sur l’adresse suivante : https://monscenariosocial.weebly.com/uploads/2/7/6/0/27608111/rue.pdf

Travailler sur les situations de malveillance dans les groupes d’habiletés sociales, j’ai travaillé ce sujet et devrai le donner en Suisse au cours du mois de novembre.

Enfin développer des compétences comme la natation quand cela est possible:

périscolaire

 

Conclusion :  Dernièrement dans un établissement où j’évoquais cette problématique, on m’a opposé que l’enfant n’était pas un chien qu’il fallait surveiller. Or ces mêmes humanistes m’opposaient que pour que cet enfant ait la conscience du danger, il fallait déjà qu’il ait conscience de soi. Soyons clairs, ce genre d’outils est un pis-aller, le temps qu’une marche autonome, qu’une conscience du danger puissent être travaillées et parfois acquises.

Bien entendu, tout dépendra du profil, parfois il faudra travailler des compétences simples, pour d’autres personnes,  il est possible de se diriger vers des scénarios sociaux beaucoup plus complexes. Dans  tous les cas, devant les drames successifs, c’est une thématique qu’il est urgent d’explorer. Le but étant non de réduire la liberté de la personne autiste mais de l’accompagner vers son autonomie en toute sécurité.

Pour témoigner de votre travail sur la sécurité, des fuites éventuelles, pour commenter, vous pouvez le faire directement ou via facebook

Quelques formations utiles sur le sujet, hélas en anglais :

https://www.youtube.com/watch?v=ItepNazetEM

https://www.youtube.com/watch?v=wgQGz73tZbU

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